Les Satin Party de Karine |
Jeudi soir, après le travail, je donne rendez vous à Karine au métro Rosemont. Elle se pointe avec ses souliers en satin mauve, style Amadeus Mozart, ceux qu'on appelle Satin Party.
- Je sais pas dans quoi je me suis embarquée, là, elle me lance, j'ai peur! Ça va être plein de dégeulasses!
- Des dégeulasses, répète un quidam qui fumait une cigarette à côté de nous.
Ça commence bien, déjà un débile. On se rend chez Karl qui habite pas trop loin de l'Auberge 1082 pour se déguiser; Karine et moi mettons des perruques et se maquillons en poufiasses, puisqu'on sait déjà qu'on doit se déshabiller pour mettre une robe de chambre, alors on mise sur notre tête. Karl, lui, se rase en handle bar -il a même prit soin de foncir sa barbe avec le mascara de Karine, l'effet est magique, et il s'habille avec un suit en suède brun avec un loup cousu à l'arrière. Bref, on est vraiment sur notre 31.
On arrive donc là bas, ben énervés, après avoir fumé deux cigarettes chacun, après s'être fait arrêté dans la rue par des amis de Karl qui riaient bien de nous, et bien sûr, après avoir monté un scénario de notre ''vie'': Karine s'appelle désormais Shirley, Karl, c'est James, et moi, Cyndie; nous venons directement de Gatineau pour venir à L'Auberge 1082, dont on a entendu parler souvent, James et Shirley sortent ensemble, lui est barman et elle coiffeuse, je suis la meilleure amie de Shirley et je travaille dans un club de danseuses nues, nous portons des perruques parce que Shirley a commencé des traitements de chimiothérapie et moi, pour la soutenir, j'ai décidé d'en porter une aussi (personne ne nous a demandé pourquoi on portaient des perruques, finalement).
Donc on entre, c'est très silencieux et ça sent l'eau de Javel à plein nez. Le gars à la réception nous explique comment ça fonctionne:
- Vous êtes déjà venus ici? (NON!) Alors, voici trois serviettes, vous devez enlever vos vêtements, les femmes peuvent se promener en lingerie fine, pas de sexe dans les pièces communes sauf dans ''la salle des fantasmes'', pas d'alcool ailleurs que dans la pièce du bar, il y a une piste de danse -pas très fréquentée d'ailleurs- et vous devez prendre une douche avant d'aller dans le bain tourbillon.
- Y'a combien de monde, à date? on demande.
- Une quinzaine, mais il est encore tôt, le monde va commencer à arriver bientôt, dit-il en regardant l'horloge (il est minuit).
Des serviettes, merde! Je pensais mettre une robe de chambre. Baf, au moins, je me dis, j'ai mis une belle brassière ce matin, heureusement. Mais mes bobettes sont bleues pâles... et à l'envers, Karine l'ayant remarqué un peu plus tard.
James et son kit loup |
On se déshabille, je noue ma serviette autour de ma taille et mets mon 20$ dans ma brassière, Shirley garde sa camisole, et Karl a.k.a. James se fout complètement à poil sous sa serviette. ''Plus confortable'' il dit. Et c'est parti.
Il fait froid, c'est vide, et très grand. Nous allons au bar commander à boire et je me sens vraiment comme à Cuba, en genre de bikini devant un bar avec une serviette autour de la taille... et la musique qui joue est extrêmement poche (comme à Cuba), c'est du Taylor Swift ou du Ke$ha qui joue à tue-tête. Le genre de musique qui jouerait dans un générique de film d'adolescents américain. Une télé est allumée et présente des films porno où des jeunes (clairement américains) qui ont l'air d'avoir tous 15 ans se font un party avec des gobelets rouges (typiquement américain) et se lancent des glaçons; ça prend pas grand temps avant qu'une, ou deux, ou trois filles se ramassent à piper des mecs avec plein d'autres autour, encore habillés, qui les encouragent. Deux vieux peppers sont assis, peinards, au bar, et nous reluquent sans gêne. Toutes les filles qu'on voit déambuler sont cachées par leur serviette, je suis la seule en brassière... damn! Et pis bof, une brassière, un haut de bikini, ça revient au même... je suis bien dans ma peau, faut croire, comparé à ces filles toutes plus moches les unes que les autres, d'ailleurs. C'est pas moi qui le dit (ben, un peu, que je le dis) mais Karl, et à voix haute, en plus.
- Tu pourrais pas changer la musique? on demande au barman. C'est horrible, ça fitte pas pantoute avec un club échangiste, on voudrait genre des tunes rock, mais sexy, tsé? Des tunes de stripteaseuses?
- Je peux pas, c'est mon boss qui a choisi cette musique, et crois-moi que si je pouvais la changer, je le ferais... dit-il amèrement.
On cale nos verres, et on s'en va explorer la place: un grand bain tourbillon vers la droite, large presque comme une piscine, des toilettes, et un sauna à gauche. On entre dans le sauna pour rire un peu entre nous lorsqu'un homme, fin trentaine, vient nous rejoindre.
- Salut, on lui dit. Tu viens souvent ici?
- Oh oui, moi ça fait cinq ans, je suis membre, maintenant. J'm'appelle Denis, et vous?
On se présente, et on discute de nos vies. Denis a une partie de golf demain matin à 7h (''j'vais me prendre un petit speed vers 5h, ça va ben aller''), il habite à St-Jean sur le Richelieu, puis nous lâche une bombe incroyable:
- Moi, j'ai commencé à venir ici avec mon ex, mais elle s'est pendue en mars dernier. Le plus toff, c'est pour ses enfants, hein, elle en avait trois ben jeunes.
- Oh.
Non seulement ç'a créé un sale frette, mais pourquoi tenait-il vraiment à nous dire la manière dont elle s'était enlevé la vie ET qu'elle avait des enfants en bas âge??? Malaise fois mille.
- Si vous voulez, j'ai de l'extasy pis du speed, hein. Je peux vous faire fumer un joint aussi, nous dit Denis. J'ai loué la chambre miroir, la 9, vous voulez voir?
Shirley et Cyndie |
- Tu bois jamais dans un verre qu'on te propose, jamais! Y'a beaucoup de GH dans ces places là. Tu gardes aussi un oeil sur ton verre, toujours, c'est ben facile d'en mettre. Avant que l'Auberge passe au feu, y'avait genre un p'tit coin pas filmé où des gars amenaient des fille ben pétées qu'ils avaient droguées et ils les fourraient à tour de rôle, sans protection. Faque y faut faire ben attention à ça. Pis l'autre fois, mon amie était en train de piper son chum, à quattre pattes, et un gars s'est enfilé sur elle, sans demander rien à personne, sans condom! Faut le faire, pareil! Mais ici, le respect, c'est vraiment important. Quand tu dis non, c'est non, et si quelqu'un te gosse, tu vas avertir la réception et ils le bannissent, carré de même.
Shirley a pensé à tout (c'est de la mayonnaise) |
On a décidé d'aller se promener encore.
- Hey, venez donc me voir, les filles! nous dit Denis, étendu sur son lit en pose de sirène, les fesses à peine cachées par sa serviette, couilles à l'air, lorsqu'on est repassés devant sa chambre-miroir pour retourner en bas.
- Euh, plus tard, on va dans le bain tourbillon! je dis à Denis spontanément, en marchant plus vite pour crisser mon camp loin de lui.
Puisque je l'ai dit, on y va: on était dans le bain tourbillon, bien calmes, à se faire masser le dos par les jets d'eau, et en se disant que c'était vraiment plate, le club échangiste, quand un bonhomme d'un certain âge est entré dans l'eau, bandé comme un cheval, suivi de sa blonde -qui aurait sérieusement besoin de faire du sport. Et ils ont commencé à fourrer.
- C'parce que là, on baigne dans leur jus, je dis à James et Shirley. Ça m'écoeure.
- OH, MY, GOD, a gémit la fille un peu trop fortement à mon goût.
Il y avait une pancarte affichée sur le mur qui disait ''tout comportement sexuel dans le bain tourbillon est interdit sous menace d'expulsion''. Alors on est sorti de l'eau et on est allés les stooler. Juste pour casser leur fun.
On a refait le tour de la place quelques fois, et Denis a même dit à James et Shirley lorsque j'étais aux toilettes:
- Hey, si Cyndie veut un massage là, qu'elle vienne me voir...
Et mes amis ont pas arrêtés de me gosser pour que j'y aille. Jamais. Au. Grand. Jamais, j'irai me faire masser par ce perturbé. Jamais. Ils m'ont traité de chicken, peureuse, pas game, ''tant qu'à être ici, fais le jusqu'au bout, tu vas en avoir des choses à dire'' ils me disaient, mais rien à faire, j'avais et j'ai toujours pas du tout envie de me faire toucher par cet homme et de sentir son pénis dur contre moi. Cauchemar assuré. Il m'a même invité encore une fois à venir me faire masser, en me disant qu'il avait sa chambre jusqu'à 3h30 du matin seulement (comme si ça allait me convaincre) et j'ai dû lui dire:
- Pas ce soir, Denis.
- ''Pas ce soir!'' a répété Shirley lorsqu'on était dans l'escalier, comme si tu allais y aller un jour!
Partout où l'on allait, des feuilles plastifiées nous indiquait qu'il y a des ''jouets disponible à la réception'': après consultation, les jouets sont des dildos (45 à 65$, à vendre, là, pas usagés, tu repars avec après) et des boules chinoises dorées -et poussiéreuses- à 5$.
- C'est la pire soirée de toute ma semaine, a dit James quand on s'est décidé à partir, après seulement trois heures. C'est vraiment plate, l'Auberge 1082...
On a pas vu de gang bang, de danses cochonnes, de trip à trois, de poodle qui se crosse vite vite en regardant quelqu'un, de lesbiennes, rien.
Shirley avait peur pour rien...
On a pas vu de gang bang, de danses cochonnes, de trip à trois, de poodle qui se crosse vite vite en regardant quelqu'un, de lesbiennes, rien.
Shirley avait peur pour rien...
pour les deleted scenes, allez voir sur http://www.33mag.com/ , section magazine!