Cette fois ci, c'est une idée de Raph: aller déjeuner aux serveuses sexy. Moi, j'ai adoré l'idée immédiatement, alors on s'est dit que vendredi, après la job, on irait. On a essayé de ramasser quelques collègues de travail (une gang de doormen dans une place de boules, ça fitte, j'trouve), et le seul qui a accepté c'est Sam (un gros fail aux doormen). Charles voulait venir, mais il avait rendez vous avec sa belle famille le lendemain matin ou quelque chose comme ça. Stephen est arrivé à 4h, un peu saoûl, par la porte arrière.
Raph, à 21h, m'avait dit: "moi, ce soir, je ne bois pas une goutte d'alcool!"; j'ai pris ça comme un défi et j'en ai pas bu moi non plus -à part le shot de whisky que j'ai bu en l'honneur de mon ami Tony qui est décédé du cancer et qui ne buvait que du whisky; c'était son anniversaire de naissance ce jour là, mais ça compte pas, c'était un hommage-. On a travaillé toute la nuit, et à 4h du matin, on avait terminé notre ménage et compté la caisse: il ne restait plus qu'à attendre qu'il soit 5h, l'heure d'ouverture de Chez Lidia. Je peux vous dire que rendu à 4h du matin après huit heures de marche (ben oui, travailler derrière un bar, tu fais juste ça, marcher) sans une goutte d'alcool, c'est pas facile. Alors on a attendu pendant une heure au bar, à rien foutre, à bailler et à dire à Stephen que non, on irait pas à l'after au Silverdoor tandis que Sam se vantait d'être déjà allé chez Jacinthe, et qu'il avait vu de vieux seins. À 4h55, on s'est dit qu'on avait assez attendu, et on est sorti se pogner un taxi.
On a grimpé dans la voiture, et le chauffeur nous a demandé où on allait, j'ai lancé un tonitruant:
- On s'en va déjeuner aux totons! Rosemont et Des Érables, s'il vous plait!
On s'est mis à chanter des chansons de seins, du style "to, to-tons, to-li-da-ri-té!" et à chercher tous les noms qu'on peut donner à une paire de boules: totons, évidemment, nénés, rack, poitrine, nichons, des pis (comme les vaches, là), jo, mamelles, melons, pamplemousses et autres fruits ronds, c'est à votre guise (ou votre grosseur), des essieux (celle là, c'est d'après Sam; imaginez vous pogner un gars un soir et qu'il vous sorte "kaliss, t'as ben des beaux essieux!"); les versions anglophones: breast, boobs, mam's, jugs, tits, boobies, pis c'est pas mal ça qu'on a trouvé. (Si vous en avez d'autres en tête, ne vous gênez pas et écrivez le dans les commentaires en bas, ça va être drôle, et soyez créatifs.) Avant de m'endormir cette nuit là, j'ai pensé à "maman". C'est clair que y'a un dude à quelque part qui appelle les seins de sa blonde "maman", comme dit le sbire habillé en papier d'aluminium dans Austin Powers 2 quand il voit les seins de Heather Graham. Bref, y doit être weird, ce gars là.
Quand on est arrivé en face du resto, Sam a été un peu déçu parce que Chez Lidia et Chez Jacinthe, c'est la même place: "aaah, j'suis déjà venu, ici...". J'ai d'ailleurs demandé à notre serveuse qui était Lidia et qui était Jacinthe, et elle m'a dit que la proprio était Jacinthe, et Lidia le nom que la business portait avant qu'elle achète le tout, alors pour pas fucker les habitués, elle a gardé le nom Lidia. Je trouve que y'a beaucoup de 'i' dans des noms qui ont des 'y' normalement. Bref. Mais je vais d'abord décrire l'endroit: une pièce tout en longueur, avec les murs peinturé d'un beau orange crasse et un douteux blanc cassé, dont le trois quart sont badigeonnés de plâtre. Non sablé, non traité, rien. Les néons trop puissants éclairaient la pièce, deux hommes mangaient tranquillement leur déjeuner en lisant le Journal de Montréal. On est allés s'asseoir dans le fond. J'étais vraiment déçue: la fille n'était pas nue boules. Elle portait un bikini à la mode de l'été 2010, ceux que le haut et le bas sont reliés par un morceau de tissus sur le ventre, ceux qui te font des lignes de bronzage laides, ceux qui sont populaires parmi les guidettes grassettes, ceux qui s'appellent trikini, bref. Même si on avait été game de lui demander d'enlever son haut, elle n'aurait pas pu.
On riait beaucoup, et on avait peur que la fille pense qu'on riait d'elle, ce qui n'était vraiment pas le cas; on riait plus de la situation. À côté de notre table il y avait une machine à toutous, ces machines connes avec une pince en métal que tu pognes jamais rien avec, et la beauté dans tout ça, c'est qu'il y avait oui, des toutous moches, mais un vibrateur rose, quelques DVDs porno, avec pour titres: "Virgins in training", "SF Valley Sluts" et "Daddy's best friend" pour ne nommer que ceux là, et une casquette des Canadiens. Une belle sélection. Notre serveuse en maillot de bain est venue nous porter des menus en nous offrant le café, puis elle est retournée derrière son comptoir. Quand elle est revenue prendre la commande, Stephen lui a dit d'une petite voix, pour la mettre à l'aise:
- On était en train de se dire que ton tatoo, il est très beau...
- Merci. Frais fait d'hier.
Bon, c'est vrai qu'il était 5h du matin, peut-être qu'elle s'était engueulée avec son chum toute la nuit, peut-être qu'elle avait passé la nuit à prendre soin de son chien malade, on sait pas, elle avait sûrement une bonne raison d'être un peu brusque.
Après avoir reçu nos oeufs, on chialait encore qu'on voyait pas de seins. Moi, je voulais vraiment être mal à l'aise quand elle vient refuller le café, fixer mes oeufs au lieu de ses seins, et quand elle me parle, je voulais avoir un tic dans la face qui démasque mon malaise d'avoir une poitrine nue à la hauteur de mes yeux qui me demande si je veux de la mayonnaise avec mes patates.
- When will I get a chance to see thoooose mamaloonies? s'est bidonné Sam.
De plus en plus de clients entraient dans la place, dont un groupe de trois, deux hommes poivre et sel et une femme brune entre deux âges, tout ce qu'il y a de plus commun (j'écris, j'y repense, et dans le fond, ils avaient l'air de chauffeurs d'autobus). Mais je me demande vraiment pourquoi ils vont déjeuner dans une place où la fille te sert ton plat en maillot de bain.
Après avoir mangé, et qu'elle soit venu nous débarrasser, je me suis rendu compte qu'elle était la seule employée; c'est elle qui faisait le service, les repas et la plonge. Là, je riais pour vrai: c'est trop absurde une fille en bikini, grosses bottes d'hiver et bas de laine qui te cuit tes oeufs et te sert un café. Faut être un peu craqué à quelque part pour vouloir voir ça, et aimer ça. Pis là, je me suis dit, mais, y'a pas des normes pour les gens dans une cuisine? J'veux dire, quand j'étudiais à l'ITHQ, on devait porter des horribles vestes blanches grosses comme des sacs de patates, de tissus épais, à manches longues, pour éviter les brulûres, et elle, elle se trimballait presqu'à poil à côté de la friteuse. D'un autre côté, je me suis dit que c'était un peu dangeureux, une fille en bikini toute seule dans un resto glauque à 5h du matin.
The Dick Cup |
Dans le taxi qui m'a raccompagné chez moi, Éric Lapointe s'est mis à chanter. Le chauffeur m'a demandé:
- Vous l'aimez, vous, Éric Lapointe?
- Non, je le trouve nullard. Mentir à tes fans sur le fait que tu es sobre quand tu es loin de l'être, je trouve ça très moche. Je pense surtout à tous ces gens qui ont aussi un problème d'alcool ou de drogue, et qui se disent "Éric Lapointe a réussi, alors je suis capable" et qu'ils se rendent compte ensuite que leur 'symbole' est un menteur, ça doit donner un coup. C'est juste inutile, faire ça.
- Il était dans mon taxi hier, complètement saoûl, il a ajouté.
J'ai pas osé lui demander si la mauvaise odeur qui flottait dans la voiture était un vomi d'Éric Lapointe, au cas où c'était son odeur normale à lui.
Lundi midi
Comme je trouvais que c'était un peu triste parler de resto de boules et de ne pas en avoir vu, j'ai décidé d'y retourner, mais en plein jour. Au départ, je voulais aller jusqu'au Princesses, dans Hochelaga, pour comparer la trashitude, mais quand je me suis levée lundi matin, et que j'ai vu les kilomètres de neige qu'il était tombé -moi qui était si heureuse de la pluie de samedi qui en a fait fondre un tas- j'ai abandonné l'idée de me rendre jusque dans Hochelag et je suis retournée Chez Lidia avec ma nouvelle amie Emilie que j'ai rencontré à la Nuit Blanche (avant que ma mémoire fasse défaut) qui aurait bien voulu venir avec nous samedi matin, mais bon, problème de communication et tout, on a remis ça à lundi midi. Et là, j'en ai vu, des nénés, enfin!
J'ai conduis tant bien que mal dans ce trop-plein de neige jusque chez Emilie, et je ne peux pas ne pas parler du magnifique saut qu'elle a fait pour atteindre ma voiture; elle s'est carrément allongée dans le banc de neige, je l'ai vu disparaître de ma fenêtre. C'était très drôle. On est arrivée Chez Lidia; deux hommes buvaient une bière assis au bar. On a pris une table, parce que je voulais prendre des photos avec la merveilleuse application iPhone que Raph a trouvé (FaceSpy; qui fait semblant que tu lis le journal, ou que tu es sur Facebook sur ton téléphone, mais dans le fond tu prends des photos, hehe), et surtout parce que je voulais tellement la tasse péniale, j'avais traîné avec moi des papiers, des ciseaux, des crayons de couleurs, du papier collant et un pot en métal, alors je voulais être sur une table pour créer mon oeuvre d'art et l'échanger contre leur tasse. Emilie a dessiné un pénis mulâtre aux couilles pâles, moi deux filles toutes nues; une avec de gros vrais seins style girl next door, et une autre avec des fausses boules bien rondes style sort of pétasse. Je suis capable de dessiner mieux que ça, mais j'avais pas envie de me forcer et j'avais oublié un aiguisoir, mes crayons étaient tous plats. J'aime pas les crayons plats. Anyway, j'ai même signé mon pot, alors si vous y allez, ne vous gênez pas pour faire remarquer à la serveuse que son pot de crayons est oh combien original. Mais même avec tout ça, je n'ai pas réussi à troquer mon merveilleux pot maison contre ma future tasse. Je vais persister dans mes démarches. Au moins, j'ai laissé ma trace (haha, j'me trouve drôle là).
le pot de crayons maison |
L'ambiance dans le jour est totalement différente. Les néons sont fermés, ou c'est peut-être parce que c'était blanc de neige dehors qu'à l'intérieur ça avait l'air plus sombre; et quand on est rentrées, c'était deux femmes, une dans la trentaine torse nu avec une veste blanche sur le dos (ou si elle est plus jeune, elle est un peu fatiguée de la face, si on veut) et une autre plus vieille, cinquantaine je dirais, toute habillée. C'est un peu difficile de dire leur âge parce qu'on voit qu'elles ne sont pas tombées dans un nid cousu d'or, et ça parait dans le visage, ça. Ça vieillit n'importe qui. Bref, la plus jeune est venue nous offrir du café; Emilie a pris un jus d'orange et moi un verre d'eau (qui goûtait étrange, ceci dit). On s'est mis tout de suite à notre bricolage, on a commandé; elle avait enlevé sa veste et se promenait nu seins, bien à l'aise. C'était de beaux seins, quand même, pas refaits, "des seins-pamplemousses, pas des seins-poires" comme dirait ma tante. Enfin, je ressentais ce que j'avais voulu ressentir la première fois que j'y suis allée. C'est étrange se faire servir par une fille torse nu. Juste étrange.
- Merde, je suis vraiment gênée, je sais pas où regarder, a dit Emilie.
Le moment le plus cocasse de notre dîner est quand la serveuse a crié de quoi à l'autre femme en l'appellant "maman". Ah ha, les affaires familiales, hein. Dans ce cas-ci, c'est douteux et un tantinet incestueux, mais bon, si elles forment une bonne équipe, why not? Elle était très sympathique, notre serveuse seins nus, elle nous a même expliqué que dans quelques semaines, la décoration allait être complétée (c'est pour ça que les murs étaient plâtrés, ah bon), que ça allait être ben beau; je lui ai demandé de quoi ça allait avoir l'air, elle a pas voulu me le dire.
Après notre lunch, en marchant vers l'auto, un des deux monsieurs nous a interpellées:
- Hey, les filles, je peux vous poser une question? Qu'est ce que vous faisiez là? a-t-il enchaîné sans attendre.
- Toi? j'ai répliqué.
- Moi, je viens pour voir des femmes...
Et moi je lui ai expliqué le concept de mon blogue. On a jasé de lois de quartier, il nous a dit qu'aux Princesses, les filles étaient en maillots de bain plus souvent qu'autrement, et bla bla bla. Il était en complet, un gros char qui coûte cher; j'ai pas pensé à regarder sur le banc arrière s'il y avait une trace d'enfants, ni à lui demander pourquoi il ne va pas aux danseuses nues, plutôt. Faut pas oublier qu'il était dans son char, et nous dans la rue, et avec toute cette neige on bloquait le passage complètement, donc notre conversation a été pas mal brève. Mais j'aurais beaucoup aimé parler plus longtemps avec lui. Quand je vais y retourner pour enfin peut-être réussir à avoir ma tasse pénis, je vais peut-être le recroiser et je vais m'asseoir avec lui pour discuter.
le maire de Chez Lidia! |
deleted scenes bientôt sur http://www.33mag.com/, section magazine :)
et p.s. Allez voir le blogue de Sam, c'est un blogue merveilleux: http://momentsseuls.blogspot.com/