vendredi 5 mars 2010

semaine 1: aux danseuses

23h. Je suis devant le Café Cléopâtre. J'ai donné rendez vous à deux habitués, Paul et Rudy. Tant qu'à aller aux danseuses, aussi bien y aller avec des adeptes. On a prévu faire toute la gamme des bars de danseuses, c'est-à-dire le crado et le luxe. C'est leur première fois au Café Cléopâtre, par contre, eux, il sont plus de style luxe. Je voulais vraiment aller à cette place là parce qu'ils vont le raser bientôt pour faire des tours à bureaux d'Hydro-Québec, et le Café Cléopâtre, c'est une institution du red light montréalais, paraît-il. On a juste une vie et deux yeux.

- Où êtes vous? Je suis arrivée! je texte à Rudy.

- On termine nos verres et on arrive! C'est comment à l'intérieur? me répond-t-il.

- Je suis pas entrée, je suis un peu gênée...

Paul et Rudy sont morts de rire. Pffff! Savoir qu'ils rient de moi me donne le courage d'entrer à l'intérieur, et puis il fait froid, et peut-être que c'est pire d'attendre en face du Café Cléopâtre que cachée à l'intérieur. Je prends une grande respiration et j'ouvre la porte. Vous vous rappellez du gorille qui est doorman du bar clandestin dans Roger Rabbit? Le portier que j'avais sous les yeux, la grosse porte de bois, bref, le tout me faisait terriblement penser à cette scène.

- Euh, bonsoir, je dis d'une toute petite voix, je... je viens rejoindre des amis, mais ils sont pas arrivés encore, euh, on va être trois.

- Aux danseuses??! me demande-t-il, totalement suspicieux.

- Oui? je lui réponds.

- Vous devez me donner du tip, me dit-il en haussant les épaules et en tendant la main.

Bon. Soit que j'ai l'air d'une novice et qu'il veut se faire un p'tit 3$, ou soit que c'est comme ça que ça marche, qu'est-ce que j'en sais? Il me pointe une table dans le fond de la salle. Une serveuse vient prendre ma commande, je me sens un peu tremblotante. Je regarde autour de moi: quelques hommes en complet-cravate, des vieillards, de gros américains plus bruyants que les autres, un vénérable aux cheveux immaculés fait une petite sieste, dans un coin. La plupart sont seuls à leur table, avec ou sans fille accrochée à leur cuisse. Puis je regarde la danseuse sur la scène. Elle se trémousse, avec des bas collants rose fluo tout déchirés, un chapeau de cowboy rose, une brassière noire portée sous les seins, qui sont micro-minuscules by the way, des porte-jarretelles noirs qui ne portent rien, bref, c'est pas joli-joli. Puis elle enlève son G-string. Je suis un peu troublée parce que j'ai l'impression qu'elle a encore sa culotte, ou qu'elle en porte une deuxième dessous, et c'est là que je me rends compte que c'est son poil. Elle a une énorme touffe. Énorme. J'en croyais pas mes yeux, moi qui pensais que le poil était out depuis les années 90. Puis mes yeux remarquent des petits compartiments sur le côté, des rideaux sont tirés, mais ils sont troués, et c'est clairement voulu, je vois donc des filles faire des lap dances.

Mes copains arrivent enfin avec leur ami Johnny, enchantée Johnny. On se commande une autre tournée de bière, et juste pour l'information, la Corona est 6,50$. Puis Rudy m'explique un peu quelques 'règles' des bars de danseuses, comme par exemple quand les filles ont un tatoo juste en haut des fesses avec un genre d'écriture, c'est le nom de leur pimp et ça s'appelle un tramp stamp. Ça m'a juste pris environ trois heures avant d'avouer à Rudy que moi aussi, j'en ai un tatoo juste en haut des fesses... il a bien ri quand il l'a vu. Je me console en me disant que plein d'autres filles ont un tatoo juste en haut des fesses et comme moi, ne connaissaient pas l'affaire du tramp stamp. Ou ne connaissent toujours pas (aah, l'innocence, parfois, c'est enviable). Une fille d'environ 200 livres passe devant nous, avec ses talons de plastique, sa petite jupette de polyester et un chandail qui ressemble étrangement à une bavette. Les gars sont incapables de résister au rire. Hé, il y en a pour tous les goûts, au Café Cléopâtre.

- Une BBW! dit Paul.

- Une quoi? je demande.

- Une Big Beautiful Woman, me dit Rudy avant de sortir son iPhone et de me montrer la description sur Wikipédia.

Si Wikipédia le dit... Une femme d'au moins 40 printemps danse maintenant sur la scène, en faisant la split et en se frottant le vagin bien comme il le faut sur le plancher. Je ne peux m'empêcher de la comparer à un escargot. Et je grimace en pensant à toutes les filles qui marchent dans le bar, vont fumer à l'extérieur, reviennent danser sur cette même scène et puis se frotte le vagin dessus. J' ai des frissons de malpropreté juste à y penser encore! On a fini nos bières, il est temps de changer de place. Le monsieur aux cheveux blancs dort toujours.



On est supposé aller au Kamasutra mais on décide de faire un arrêt au Kingdom, puisque c'est sur notre chemin. Lorsqu'on entre, la première chose que je remarque est l'odeur: un mélange de parfum au muguet mélangé à une odeur de cage de hamster. On a dépassé la rue Ste-Catherine et la différence est palpable: que des sofas, des banquettes confortables, une énorme scène avec six poteaux (quand même!), c'est chic et propre, mais c'est complètement vide, il n'y a même pas de danseuse qui se dandine sur la scène. Il y a bien quelques clients, mais c'est tellement grand qu'on ne les voit presque pas. je remarque que c'est la réunion des chandails Ed Hardy, même la serveuse en porte un.

- I've always wanted to fuck Ed Hardy! crie Paul qui regarde la serveuse en rigolant.

Et c'est parti pour une autre tournée de bières (Corona: 8,50$, ça augmente, ça augmente). Autour de nous il y a à peu près cinq filles en bobettes/brassière style Moulin Rouge qui sont assises dans des fauteuils, regardant autour d'elles, l'air complètement ennuyé. Je décide d'aller au toilettes, c'est toujours enrichissant, et je dois évacuer mes bières. J'ai déjà eu un patron qui disait qu'avant d'aller manger dans un restaurant, il allait voir les toilettes: si c'était propre, ça passe, si c'était sale, ça casse. Ma marche aux toilettes du Kingdom a été vraiment enrichissante: il y a un grand mur rempli de photos encadrées. Des lofteurs, des gars de Occupation Double, Babu, les Justiciers Masqués -qui sont sur plusieurs photos d'ailleurs- non mais, que des stars, tous bien heureux d'être au Kingdom. Mouin. C'est tellement pas le fun qu'on cale notre bière et zou, on s'en va. En prenant mon manteau, je remarque que la barmaid est une ancienne lofteuse; eh ben, j'me dis, c'est là que ça mène la téléréalité... barmaid dans un bar de danseuses, ou figurant dans une annonce de Brault et Martineau, c'est selon...

On arrive au Kamasutra, le dernier arrêt de notre tournée. Je vais enfin pouvoir utiliser la carte d'entrée gratuite que je traîne dans mon portefeuille depuis environ 3 ans. Je l'avais trouvé par terre dans le bar où je travaillais à l'époque et je m'étais dit que un jour, j'allais l'utiliser. Une belle preuve qu'il faut parfois écouter sa petite voix, même si c'est pour des conneries. Ici, la première chose que je remarque, ce sont les rideaux: il y en a partout, sur les murs, le plafond, l'escalier, et c'est beau, j'ai l'impression d'être dans une grosse tente en Arabie. Puis je vois deux hippies, avec leurs cheveux longs et leur puncho, c'est fou comme ils détonnent. Ma vessie étant sur le point d'exploser, je me rends directement aux toilettes. Je vois une paire de talons de plastique dans la cabine de gauche, je vais donc dans la cabine de droite. Une paire de clac-clac s'annoncent:

- Amélie? T'es là?

-Oui!

Puis elles conversent de tout et de rien, jusqu'à ce que j'entende ceci:

- Pourquoi tu portes une prothèse au poignet?

- Ah, hier j'ai fait un faux mouvement avec le poteau, pis ce matin, j'te jure, j'avais d'la misère à me laver les cheveux!

-Ben là, laisse pas ça traîner, va passer des X-rays....

- Oui, je vais y aller demain.

- Fais attention que ça devienne pas une tendinite!

Les durs revers du métier de danseuse. De retour dans la salle, je regarde le spectacle, après tout, c'est pour ça que je suis ici. Les filles sont jolies, il y a même des méchants pétards, mais aussi quelques grassouillettes. Pour mes yeux vierges de danseuses nues comme les miens, avec seulement les films comme référence, je me suis étonnée de voir autant de p'tits ventres flasques. Elles ne sont pas laides, ça non, mais je m'attendais à voir pas mal plus de faux seins, de cheveux bleachés, des Pamela Anderson bref.... mais non, c'est des banales brunettes que je pourrais croiser dans la rue et ne jamais me dire 'maudit que cette fille là ressemble à une danseuse'. Elles pourraient toutes être ma soeur, ma cousine, ma voisine. C'était étrange aussi de voir le choix des chansons. Des chansons avec un beat ultra rapide, mais elles dansaient très lentement. Très. L'une d'elle avait même l'air d'avoir fumé un gros joint juste avant d'entrer sur scène tellement elle dansait lentement. On a un peu ri d'elle, c'était trop bizarre.

Je dois encore aller aux toilettes. Qu'est-ce que vous voulez, moi, une fois que j'ai commencé à évacuer l'alcool, on dirait que ma vessie se rapetisse de bière en bière, et je dois y aller plus souvent. Bref! Lorsque je reviens, une fille nue est assise sur les genoux de Rudy:

- Voici Carole! Ma danseuse préférée. (n.b. Carole est un nom fictif, pas pour préserver son identité, mais parce que je ne me souviens pas pantoute de son nom)

- Enchantée Carole! je lui dis en lui serrant la main. (où a t-elle mis cette main que j'aille me la laver)

- Pose-lui donc ta question! me dit Rudy à l'oreille.

J'ai une question technique que j'ai demandé à Paul et Rudy au début de la soirée, mais ils n'avaient aucune idée quoi me dire, et maintenant ils veulent connaître la réponse autant que moi:

- Qu'est ce que tu fais quand tu es menstruée? As-tu congé? Est-ce que tu te mets un tampon et tu enfonce la corde? je lui demande.

- Ben il y a des filles qui l'enfonce, mais moi je préfère couper la cordelette. Et je vais t'avouer un truc, me dit-elle en se penchant vers moi, tous les jours de travail, je porte un tampon.

- Ah? Pourquoi?

- Des fois on fait des shows de lesbiennes, et je trouve ça plus hygiénique, c'est tout.

Parlant de shows de lesbiennes, derrière nous, trois jeunes américains s'en payaient un. Deux filles couchées sur eux se lichaient carrément le vagin tout grand ouvert et se passaient des glaçons. Les trois pauvres petits américains ne cessaient de mettre des billets dans leur G-string, et se touchaient sans arrêt l'entrejambe, c'était clairement too much pour eux. On s'est demandé si c'était des billets de 1$...

Je paie une autre tournée de bières: ici la Corona est 9$. Outch. Et vlan mon budget taxi. Je remarque alors une police debout près de la porte, qui regarde le show. Je dis à Rudy:

- Regarde! La police...

- Oui, elle vient se rincer l'oeil plus souvent qu'autrement.

- ...

3h. Je quitte mes amis. Mon baptême de danseuse a été mémorable. J'ai vu plein de choses que je ne vois pas habituellement, appris des trucs de danseuses, dépensé trop d'argent et j'ai eu du bon temps. Pas sûre que j'y retournerais demain, par exemple...



p.s. merci à Yannick qui m'a fait un lift jusque chez moi! Comme quoi la vie est parfois bien faite.
p.p.s. Yannick n'est pas un inconnu que j'ai rencontré sur la rue, c'est le DJ de ma job où je ne suis rendue après avoir quitté mes amis, ne vous inquiétez pas...


mercredi 3 mars 2010

semaine 0: le commencement

Je devrais remercier mon père: c'est lui inconsciemment qui m'a donné l'idée de ce projet personnel. Alors merci, Papa.

Tout a commencé à la fin du mois de février 2010. Mon père m'a annoncé qu'on lui avait demandé d'exposer sa moto qu'il a construite de ses mains au Salon de la Moto de Montréal, et qu'il aurait besoin de mon aide pour aller la porter au début du Salon et aller la rechercher à la fin de l'événement. J'ai accepté avec plaisir, contente enfin de pouvoir rendre service à mon petit papa qui m'aide tant dans la vie.

Dimanche: dernier jour du Salon de la Moto. J'y vais avec mon père et mon oncle, on apporte le pick up pour rapporter la moto à la maison. Lorsque j'entre dans le salon, une des premières choses que je remarque est les deux pitounes à souliers de latex, les fesses à l'air et de belles grosses fausses boules, entourées de vieux mecs moustachus en pantalons de cuirs et t-shirt pas de manche qui se font prendre en photo. Une d'elles porte un beau chandail bedaine qui est écrit 'Solid Gold' dessus (un superbe bar de danseuses* situé à côté de l'autoroute 40). Je suis sûre que sur une scène, avec de belles petites lumières de couleurs, ces deux filles doivent être pas si pire, peut-être sont-elles même de véritables athlètes de poteau, mais le cul à l'air sous les durs néons du Palais des Congrès, c'est une autre histoire.

J'ai vu une moto 'criblée' de balles, brodée 'the good the bad and the ugly' sur son banc de cuir, avec le dessin des trois bonhommes sur le réservoir. Il y avait même le manteau de cuir qui fitte avec la moto étalé par terre et la photo de Clint Eastwood avec ce qui était problablement le propriétaire de la moto et sa femme. La béquille, c'était un fusil de cowboy. Et puis quoi encore.

Un gars en chaise roulante vendait des calendriers de filles toutes nues sur des motos devant des granges. Lorsque je me suis approchée, un homme le feuilletait, ce calendrier. Une fille en jupe d'écolière jaune et noire mesurant à peine 10 cm recouvrant son zouizoui, les seins tellement gonflés qu'ils sont partout, assise sur une moto de flammes dans un champ. Une fille en G-string le cul collé sur le radiateur de la moto, la tête en bas mais les seins en haut, devant un tracteur. Abjection, bonjour!
- C'est des belles filles et tout, pas vulgaire pantoute! disait le vendeur. Pis c'est Samantha sur la couverture!
Who the fuck is Samantha?!

J'ai vu l'Association des Motocyclistes Gais du Québec, quand même. Ils font des brunchs, des soupers, des balades, des 'moto-rencontres' pour célibataires, ils font même parti de la parade de la Fierté Gaie, ça l'air ben le fun. Conditions pour être membre: posséder une motocyclette et être un homme gai. Eh oui, malheureusement, les lesbiennes ne sont pas admises, mais elles peuvent aller faire une bonne ride de moto entre gais sans problème. Mon père voulait que je lui demande si il y avait une 'initiation', mais bon, j'ai pas pu, le monsieur était tout cute et la question un peu trop sournoise.

J'ai vu une horrible moto avec des dagues, des haches, des pierres précieuses rouges en plastique incrustées partout, bref, une moto médiévale. Une horreur. J'ai vu un casque de moto entièrement en paillettes qui coûtait 350$, et si un jour j'ai à monter sur une moto régulièrement, je veux trop un casque comme celui là. J'ai vu un monsieur avec une jambe de bois qui avait numéroté sa moto de course 649 parce qu'il a gagné 10 millions de dollars à la 6-49. J'ai vu des motos de plastique, de métal, j'ai vu des scooters, des 4 roues (what the fuck), des craques de seins qui auraient peut-être pas dûes être exposées, des bambins émerveillés, des motos tellement shiny que j'aurais pu m'épiler les sourcils sans problème de lumière, des hommes en pantalons de cuirs qui ne devraient pas en porter, pis des t-shirts Harley Davidson, en masse de chandails de Harley Davidson. J'ai entendu de la musique qui fitte pas pantoute avec le 'style moto': Bob Sinclair pis la Compagnie Créole? (j'y aurais plus été avec Roadhouse blues de The Doors, ou Highway to hell de AC/DC, ou même Life is a highway de Tom Cochrane, à la rigueur...) J'ai vu un stand à bouffe qui m'a laissée perplexe: de la soupe et des sandwich aux oeufs? Une bonne frite graisseuse et un roteux, c'est ce que je m'attendais à voir... et à manger.

Après avoir vu tout ça et plus encore, j'ai imaginé l'affaire 52. Une activité -minimum- par semaine que je ne fais pas habituellement sur la durée de un an. Pourquoi pas? Et pourquoi un an? Faut ben commencer à quelque part, et se donner un time frame. Je ne peux qu'en retirer du bon temps, de belles expériences et de drôles de situations. Le reste, on balaie de la main. C'est parti. Et qui le veut me suit.



* Je suis sarcastique. En fait, je ne suis jamais entrée au Solid Gold, mais juste à regarder les photos de filles sur la devanture de l'édifice, les couleurs utilisées et les suits qu'elles portent, on comprend immédiatement à quoi on a affaire. Et puis je pourrais leur dire merci, à ces deux poupées gonflées: elles m'ont donné l'idée pour la prochaine -et première officielle- sortie: je m'en vais aux danseuses!